Les P3 : Comment améliorer les échanges entre les gouvernements et les investisseurs?

By Michael Lindsay |

Les gouvernements et les villes du monde entier se heurtent à des problèmes graves. Entre autres, ils accumulent des déficits colossaux au moment même où leurs besoins en infrastructures coûteuses sont pressants. Ils ont aussi commencé à comprendre qu'ils ont manifestement de la difficulté à exécuter de grands projets d'investissement – que ce soit des réseaux d'égout ou des autoroutes – dans le respect du budget et de l'échéancier. Ajoutez à ce contexte les pressions des changements climatiques et de la croissance urbaine, et la nécessité d'investir de façon judicieuse devient criante. 


Il n'est donc pas surprenant que les partenariats publics-privés (P3) suscitent énormément d'enthousiasme et soient perçus comme des solutions magiques. Pour les non-initiés, ce genre d'entente semble promettre de nouvelles sources de capital exemptes de risques pouvant être utilisées pour mener à bien des projets emblématiques qui amélioreront la productivité, stimuleront l'innovation et feront gagner des votes. 

Malheureusement, la plupart des fonctionnaires ne comprennent pas encore comment les intérêts des entreprises privées conditionnent leur désir de participer à des P3. Ce décalage occasionne d'interminables échanges non productifs et des délais dans la réalisation des projets d'infrastructures pressants.


Hatch, l'entreprise pour laquelle je travaille, est une firme d'ingénierie et de technologies d'envergure mondiale. Notre histoire est profondément marquée par notre participation à des projets d'infrastructures, à commencer par les premiers programmes de développement de transport en commun dans les villes d'Amérique du Nord. Avec les services offerts par notre discipline mondiale de planification et de consultation, dirigée par moi-même, nous sommes bien placés pour aider les gouvernements, les investisseurs, les constructeurs et les promoteurs à structurer et à conclure d'importants partenariats publics-privés. 

Commençons par le commencement en formulant des suggestions fondamentales pour créer des P3 efficaces

Financement

Lorsque les gouvernements sont enthousiastes à l'idée d'explorer le concept des P3, il est fort à parier que leur préoccupation principale est de trouver de nouvelles sources de financement. En effet, ils s'exposent à une augmentation des coûts pour entretenir des actifs existants. Les gouvernements sont réticents à utiliser des outils budgétaires pour obtenir de nouveaux capitaux et veulent croire que le secteur privé percevra la valeur des investissements dans de nouveaux projets d'infrastructures.
 
D'abord, les gouvernements ne parviennent pas à évaluer correctement l'ampleur des avantages réels et tangibles que procurent les éléments du secteur privé dans un P3, dans le cadre de leurs modèles de conception-construction-financement-entretien. L'unique moyen dont ils disposent pour le faire consiste à faire peser les principaux risques liés à la construction et à l'entretien sur les partenaires du secteur privé plutôt que de les assumer eux-mêmes. Ces risques, qu'ils soient liés à la construction ou à l'entretien, sont les éléments mêmes qui mènent invariablement à des coûts exorbitants et à des retards sur l'échéancier lorsque les gouvernements réalisent des projets eux-mêmes. 

Ensuite, les P3 obligent des groupes de concepteurs, de constructeurs, de financiers et de responsables de l'entretien talentueux à se regrouper pour répondre à des appels d'offres, et à ainsi créer une certaine tension concurrentielle à la fois entre les consortiums et au sein de ceux-ci. Cette façon de faire permet de produire des offres à moindre coût qui proposent des innovations accrues. 

Enfin, les accords de projets en P3 poussent les gouvernements à faire preuve de discipline et d'exactitude quant aux résultats qu'ils cherchent à obtenir en matière de conception, de construction, d'exploitation et d'entretien. Le processus d'approvisionnement type des P3 permet également aux gouvernements de déterminer le coût des résultats et des spécifications recherchés en compilant les commentaires de plusieurs entrepreneurs en réponse à une ébauche commune d'accord de projet.    

Finalement, les dispositions comportent des profils financiers qui bénéficient aux dirigeants politiques. Au lieu d'absorber les coûts à mesure, les gouvernements peuvent les reconnaître sur une plus longue période. Dans tous les cas, les paiements pour achèvement substantiel des travaux (qui représentent habituellement une part considérable des coûts) ne sont effectués que lorsqu'un gouvernement estime que les actifs ont été construits à son entière satisfaction. 


Lorsqu'un P3 respecte ces critères, une communauté d'investisseurs solide est tout à fait disposée à offrir du financement aux gouvernements. Depuis la mise en œuvre du programme en Ontario, au Canada, des projets d'infrastructures d'une valeur de près de trois milliards de dollars ont été financés par des P3. La moitié de ces fonds provenaient de fonds d'investissement, soit à 31 % de compagnies d'assurance, à 12 % de banques et à 7 % de caisses de retraite. Cette vaste contribution du secteur privé constitue la raison pour laquelle divers investisseurs sont agacés lorsque des gouvernements se plaignent de la maigreur de leurs investissements en projets d'infrastructures.  

Le problème de la nouveauté 

Même lorsqu'un gouvernement fait pleinement usage de partenariats publics-privés pour financer un projet, les besoins en capitaux privés demeurent urgents. Les gouvernements ne disposent tout simplement pas des fonds nécessaires pour composer avec des déficits d'infrastructures. De plus, ils tendent à présenter la pire liste d'exigences possible lorsqu'ils entament des discussions avec le secteur privé au sujet d'investissements en capitaux propres.  

Au moment de décider où ils investiront, les investisseurs privés cherchent à obtenir une combinaison des trois éléments suivants.

  1. Flux de trésorerie garanti. Ils veulent être certains que le contrat qu'ils signent avec le gouvernement et les cadres de réglementation qui régiront leurs activités leur garantiront un rendement du capital investi raisonnablement prévisible.
  2. Des résultats positifs et éprouvés au chapitre du rendement. Les investisseurs privés privilégient les actifs et les services qui présentent un profil de risque connu et leur permettent d'élaborer divers scénarios de rendement.
  3. Une prise de participation importante. Ils souhaitent être en mesure d'investir d'importantes tranches de capitaux. 

Voici de quoi aurait l'air la répartition des différents types d'investisseurs en fonction de leurs préférences relatives à ces trois dimensions :      
P3 graphic     

Facteurs recherchés par les investisseurs privés dans les projets à financer et options d'investissement 

Selon mon expérience, le gouvernement fait généralement appel au secteur privé pour financer des projets qui entrent dans la catégorie située dans le coin inférieur droit du diagramme. Les projets de train à grande vitesse en sont certainement le meilleur exemple à l'heure actuelle. Ils exigent des investissements massifs et présentent des risques en raison de l'incertitude entourant l'achalandage, les revenus, les coûts de fonctionnement et les cadres réglementaires. Il n'est donc pas étonnant que les investisseurs acceptent une prise de participation dans ces projets seulement si les gouvernements s'engagent à assumer les coûts associés aux divers risques. 

Certains gouvernements ont constaté ce problème et opté pour une approche différente. Ils ont créé des programmes de « recyclage d'actifs » dans le cadre desquels ils vendent des actifs existants au rendement démontré afin de générer des capitaux pour financer les nouveaux projets d'infrastructures. Pour les gouvernements en mesure de gérer les répercussions politiques du dessaisissement de biens publics, cette approche ouvre la voie à des discussions beaucoup plus productives avec les investisseurs.  

La proposition non sollicitée

Certaines des meilleures propositions de projet d'infrastructures — ceux qui promettent les gains de productivité les plus élevés — sont plus susceptibles de provenir de l'industrie plutôt que du gouvernement. Les entreprises privées peuvent alors souhaiter une subvention gouvernementale (ou des droits d'utilisation d'un terrain) pour renforcer les données financières du projet, ou des modifications essentielles aux lois ou aux règlements en vigueur. 

Les gouvernements n'aiment pas ce genre de propositions non sollicitées. Ils craignent (avec raison) d'agir hors d'un processus concurrentiel. Souvent, ils ne possèdent pas l'expertise nécessaire pour déterminer l'incidence des innovations sur leurs objectifs ou pour négocier des ententes complexes avec des entreprises privées. Pire encore, ils ont la fâcheuse tendance à s'engager dans des projets pilotes qui ne leur survivent pas longtemps une fois qu'ils sont défaits aux élections. 

Les pays qui s'en tirent le mieux sont ceux qui ont mis en place des commissions ou des agences complètement indépendantes et leur ont confié le mandant suivant :

  1. Définir les besoins en infrastructures sans esprit partisan et établir des plans raisonnables à long terme.
  2. S'assurer que ces plans tiennent compte des besoins futurs en consultant sur une base régulière des entreprises de technologie pour comprendre les innovations susceptibles de modifier les paradigmes.
  3. Se prononcer sur les propositions non sollicitées en provenance de l'industrie et négocier des ententes pour le compte du gouvernement. 

Faire partie de la solution

Les entreprises indépendantes axées sur le savoir, comme Hatch, peuvent apporter beaucoup aux P3. Nous comprenons les mécanismes qui sous-tendent la construction d'infrastructures et les risques associés aux systèmes de transport, aux ports, aux aéroports, aux infrastructures hydrauliques et aux réseaux de câbles. Nous possédons une vaste expérience en matière d'évaluation des paramètres financiers, sociaux et environnementaux acquise dans le cadre de projets d'infrastructures réalisés partout dans le monde. Nous savons également comment structurer les ententes financières qui lient les gouvernements, les partenaires de l'industrie, les investisseurs et les intervenants locaux. Nous tenons compte de tous les imprévus et favorisons des échanges plus productifs et orientés sur les résultats entre les gouvernements et les entreprises.