Sur la voie de la neutralité carbone : comment l’industrie minière s’efforce d’éliminer les GES de l’exploitation minière à ciel ouvert

By Michael Bobotis | Le 7 mai 2021

Dans le plus récent Rapport spécial sur les conséquences d’un réchauffement planétaire de 1,5 °C, les scientifiques prédisent que la température de notre planète devrait augmenter de 1,5 °C d’ici aussi peu que 12 ans. Nous observons déjà les conséquences d’un réchauffement d’un degré. En effet, on constate un plus grand nombre de phénomènes météorologiques extrêmes, comme des inondations et des sécheresses, l’accélération de la fonte des neiges dans l’Arctique entraînant une hausse du niveau de la mer et menaçant les habitats des zones de faible altitude, ainsi que la hausse des températures des océans, causant leur acidification et le blanchissement du corail.

Le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) des Nations Unies a déclaré que pour limiter le réchauffement planétaire à seulement 1,5 °C, il faudra des changements rapides, profonds et sans précédent dans tous les aspects de la société. Selon les projections du modèle présenté dans le Rapport spécial du GIEC, les émissions mondiales de CO2 d’origine humaine doivent diminuer de 45 % d’ici 2030 et atteindre une valeur nette nulle d’ici 2050.

La voie vers la neutralité carbone est un enjeu mondial multisectoriel, et l’élaboration de feuilles de route pour atteindre cet objectif nécessite l’engagement de l’industrie, ainsi que la mise en place de nouvelles solutions technologiques et novatrices. Les feuilles de route de la décarbonisation de l’industrie minière doivent être adaptées à chaque exploitation et tenir compte des piliers-clés de la décarbonisation, soit l’efficacité énergétique, l’énergie hybride, l’intégration du miniréseau, les véhicules à carburant de remplacement, la conception des mines, et l’adaptation des procédés aux sources d’énergie de remplacement. Plus précisément, l’un des principaux défis à relever est la dépendance au carburant diesel.

Les parcs de véhicules miniers constituent l’une des principales sources d’émissions de gaz à effet de serre (GES) de l’industrie. En effet, l’équipement mobile d’une mine à ciel ouvert peut représenter jusqu’à 30 % des émissions de GES du chantier, ou jusqu’à 80 % si la mine ne dispose pas d’installations de fusion ou d’affinerie contiguës. En outre, les gros tombereaux de chantier peuvent être responsables de plus de 50 % des émissions de GES de la flotte de véhicules d’une mine à ciel ouvert.

En 2018, le Conseil international des mines et métaux (ICMM) a lancé l’initiative Innovation for Cleaner Safer Vehicles (ICSV, l’innovation au service de véhicules plus propres et sûrs), qui réunit vingt-sept des plus grandes sociétés minières au monde et dix-neuf fabricants d’équipement d’origine afin d’accélérer l’innovation dans la mise au point d’une nouvelle génération de véhicules miniers et d’améliorer les véhicules existants. Les objectifs de l’ICMM sont de réduire les émissions de GES, les matières particulaires diesel et les interactions avec les véhicules afin d’améliorer la sécurité. L’initiative ICSV vise à rendre les véhicules miniers carboneutres d’ici 2040 en s’attaquant à la principale source d’émissions du scope 1, soit les émissions directes provenant de sources contrôlées ou sous la propriété de l’organisme (c.-à-d. les émissions produites par les véhicules des exploitations minières à ciel ouvert).

Comment allons-nous y parvenir?

En collaboration avec le groupe de travail sur l’ICSV, nous avons récemment mené une étude pour définir la voie à suivre. L’étude visait à déterminer des moyens d’utiliser des camions à émissions nulles afin d’atteindre l’objectif de l’ICMM. Pour ce faire, nous avons évalué sept types d’applications minières représentatives des profils d’exploitation minière à ciel ouvert et de transport des entreprises membres de l’ICMM et analysé des technologies qui pourraient soutenir la réduction de leurs émissions de GES.

L’adoption d’une approche multidisciplinaire et intersectorielle était primordiale pour fournir des conseils sur les solutions de décarbonisation, car les sociétés minières qui mènent différentes activités à ciel ouvert continuent de renforcer leurs mesures relatives à la lutte contre les changements climatiques. Notre méthodologie s’appuyait sur l’expertise en ingénierie et en exploitation minière, l’établissement et l’évaluation des technologies, les occasions de planification des investissements et des affaires, les conseils sur le financement durable et les pratiques exemplaires relatives à l’impact environnemental et social.

Au cours de la première phase de l’étude, un modèle de simulation du profil de l’énergie statique a été élaboré. Ce modèle a permis d’analyser la consommation d’énergie et les émissions de GES au cours d’un cycle de service complet des tombereaux de chantier pour les sept types d’applications minières à ciel ouvert suivantes :

  1. Transport à plat sur de longues distances (jusqu’à 30 km)
  2. Transport à plat sur de courtes distances (jusqu’à 5 km)
  3. Transport en pente descendante sur de longues distances
  4. Transport en pente ascendante sur de longues distances
  5. Transport en pente descendante sur de courtes distances
  6. Transport en pente ascendante sur de courtes distances
  7. Transport (jusqu’à 5 km)

Une fois les profils établis pour chacune des applications, il était important d’assurer la viabilité actuelle et future des technologies de réduction des GES pour soutenir une nouvelle génération de tombereaux de chantier. L’étude a évalué le contexte actuel des technologies commerciales et émergentes qui pourraient favoriser une réduction importante ou l’élimination complète des émissions de GES produites par les tombereaux.

Nous avons examiné uniquement les technologies transformationnelles et, conformément au mandat de l’ICMM, nous n’avons pas envisagé d’autres moyens de manutention des matériaux (p. ex., concassage et convoyage dans les puits ou Rail-Veyor). Il sera primordial de conserver tous les avantages des tombereaux de chantier classiques pour assurer la décarbonisation d’un maximum d’exploitations minières à ciel ouvert.

En plus des stratégies de réduction des GES, des estimations des dépenses en capital et des dépenses d’exploitation et des calculs des coûts normalisés de conservation du carbone ont été effectués pour chacune des technologies transformationnelles appliquées aux tombereaux de chantier :

  • Utilisation de biodiesel B100
  • Véhicules hybrides (VH) avec biodiesel B100
  • Véhicules électriques à batterie (VEB) – non caténaires
  • VEB caténaires (c.-à-d. jumelés à un système de recharge par pantographe)
  • Véhicules électriques à pile à hydrogène (VEPH)
Qu’avons-nous appris?

Bien que ces technologies offrent des solutions définitives pour rendre le cycle de service des tombereaux de chantier carboneutre, chaque voie présente toutes sortes d’avantages, d’inconvénients, d’occasions et de défis lorsqu’elle est appliquée aux différentes activités minières à ciel ouvert. De nombreux aspects liés à la configuration, au contexte opérationnel et au rendement des camions ont une incidence directe sur la viabilité de la voie technologique et sur les hypothèses de base requises pour estimer les coûts des solutions de réduction des GES. Voici certains aspects à considérer :

  • Biodiesel B100 : la viabilité du biodiesel B100 dépend de l’intégration de moteurs optimisés, de la disponibilité, de la chaîne d’approvisionnement et de la logistique de l’obtention du B100, ainsi que du coût unitaire concurrentiel du B100 par rapport au diesel.
  • VH au biodiesel B100 : les considérations liées aux VH au B100 sont semblables à celles mentionnées ci-dessus; toutefois, les VH exigent une augmentation de la densité d’énergie de la batterie et une réduction du temps de recharge pour atténuer les répercussions sur la productivité des véhicules et les exigences en matière d’infrastructure.
  • VEB non-caténaires : outre la réduction du coût des batteries et l’augmentation de la densité d’énergie, les VEB sans système de recharge par pantographe exigent des infrastructures de recharge plus importantes. Dans le contexte des coûts concurrentiels de l’électricité et d’un profil de transport principalement axé sur le chargement en descente (c.-à-d. freinage régénératif), cette voie technologique présente un potentiel économique élevé pour les exploitations minières.
  • VEB caténaires : en plus des considérations similaires aux VEB non-caténaires, les VEB avec système de recharge par pantographe intègrent une technologie mature qui peut s’avérer coûteuse en cas de déplacements fréquents du caténaire. Toutefois, dans le cas des profils de transport en pente ascendante où l’infrastructure caténaire peut demeurer en place pendant des années, les avantages des VEB caténaires (p. ex., réduction des exigences de charge et meilleure vitesse en montée par rapport aux VEB non-caténaires) peuvent être maximisés.
  • VEPH : comparativement aux VEB, les VEPH présentent une voie plus claire pour l’intégration de piles et de batteries à hydrogène dans de gros camions de transport ultramodernes. Selon la configuration de leur groupe motopropulseur, les VEPH offrent une moins grande efficacité « de la prise à la roue » que les VEB. Toutefois, leur autonomie supérieure permet d’atténuer les répercussions sur la productivité des véhicules.

Bien qu’il subsiste beaucoup d’incertitude quant à l’évolution des technologies liées aux tombereaux de chantier et aux enjeux associés à la mise en œuvre des différentes solutions de réduction des GES, il est clair que les paradigmes de l’exploitation minière à ciel ouvert devront être adaptés pour tenir compte des tombereaux à émissions nulles et assurer une productivité et une flexibilité opérationnelle élevées ainsi que de faibles coûts de propriété.

Ce blogue est tiré de la présentation de Michael Bobotis intitulée « Identification of implementation pathways for zero emission surface trucks to reduce Scope 1 GHG emissions » (Détermination de moyens d’utiliser des camions à émissions nulles pour réduire les émissions de GES du scope 1), à l’occasion du congrès virtuel et de l’EXPO de l’Institut canadien des mines, de la métallurgie et du pétrole.

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