L’incidence des changements climatiques sur le pergélisol pose un défi géotechnique.
En raison des changements climatiques, l’Arctique se réchauffe plus de deux fois plus vite que le reste du monde, en moyenne, ce qui entraîne des changements majeurs pour les communautés nordiques qui dépendent du pergélisol, mettant en péril les infrastructures, les transports, les systèmes énergétiques et la stabilité socioculturelle de ces régions.
Le pergélisol constitue la couche de sol toujours gelée qui couvre environ le quart de la surface terrestre de l’hémisphère Nord. Il est protégé des conditions atmosphériques par une couche active de terre végétale qui soutient la végétation. Il fond chaque année et gèle à nouveau pendant les mois d’hiver. Les infrastructures, dont les routes, les aéroports et les voies ferrées, ainsi que d’autres structures qui ne sont pas chauffées artificiellement, sont construites sur des régions pergélisolées. L’impact sur les infrastructures arctiques de la fonte du pergélisol, de la diminution de la glace de mer et des changements dans l’écoulement des eaux est plus important que ce qui pourrait être perçu à l’origine.
Les changements climatiques posent les défis géotechniques suivants dans les zones pergélisolées•:
- Hausse des températures : À mesure que la température monte, le pergélisol fond, ce qui entraîne une instabilité du sol. Cette fonte cause l’affaissement et le tassement du sol, et la déformation des structures construites sur le pergélisol.
- Réduction de la portance : Le pergélisol assure la stabilité des structures en agissant comme couche portante. À mesure qu’il fond, la portance diminue, ce qui nuit à la sécurité et à la longévité des bâtiments, des routes et d’autres infrastructures.
- Thermokarst et érosion : La fonte du pergélisol peut engendrer un modelé thermokarstique, comme des effondrements de sol, des affaissements et des fosses qui accélèrent l’érosion, ce qui nuit à la stabilité des fondations et des remblais.
- Vulnérabilité des infrastructures : Les infrastructures existantes dans les régions pergélisolées, comme les routes, les pipelines et les bâtiments, font face à un risque accru de dommages dus au mouvement du sol, ce qui entraîne une augmentation des coûts de réparation et d’entretien, et a donc une incidence sur les budgets et la durabilité.
- Accumulation de neige : Les infrastructures modifient la répartition locale de la neige. L’accumulation accrue de neige près des structures isole le sol et l’empêche de geler aussi profondément, ce qui exacerbe sa fonte et nuit à sa stabilité.
Il se peut que les méthodologies actuelles ne permettent pas de prédire avec précision le moment où les infrastructures seront défaillantes, car leurs calculs ne mettent pas l’accent sur la dégradation du pergélisol; des modèles améliorés sont nécessaires pour mieux évaluer les dangers potentiels. L’évaluation et la surveillance continues des caractéristiques du pergélisol, comme la composition de la glace, la température, la taille des grains et la salinité, améliorent la précision avec laquelle les ingénieurs peuvent repérer les variations et planifier des stratégies d’adaptation. Dans cette optique, la valeur de la conception d’infrastructures résilientes et de la participation active des communautés augmente.
Pour contrer les répercussions des changements climatiques dans ces régions, les ingénieurs disposent de diverses stratégies•:
Conception adaptative : Les ingénieurs modifient la conception des infrastructures pour tenir compte de la fonte du pergélisol, y compris l’utilisation de thermosiphons (échangeurs thermiques) pour stabiliser les fondations en maintenant une couche gelée.
Isolation : Elle permet d’éviter le transfert de chaleur des bâtiments au sol, par exemple en augmentant l’épaisseur de l’isolant existant ou en utilisant des matériaux résistants au gel et des couvertures antigel.
Amélioration du terrain : Il est possible de stabiliser le pergélisol en injectant du coulis ou d’autres matériaux pour améliorer la portance, ce qui renforce le sol et prévient l’affaissement.
Élévation des fondations : Il est possible de réduire au minimum le tassement et la déformation en élevant les structures au-dessus du sol sur des pilotis, ce qui réduit leur contact avec le pergélisol en fonte.
Systèmes de surveillance et d’alerte précoce : Des capteurs peuvent être déployés pour surveiller la température du sol, le tassement et la stabilité. Les avertissements précoces permettent d’intervenir rapidement.
Matériaux résistants au climat : Il est essentiel d’utiliser des matériaux qui résistent aux cycles de gel-dégel et aux mouvements du sol. Les additifs pour béton, les géotextiles et l’acier résistant au gel peuvent en augmenter la durabilité.
Aménagement du territoire : Les ingénieurs collaborent avec les urbanistes pour éviter de construire dans des zones à risque élevé, et les règlements de zonage tiennent compte de la vulnérabilité du pergélisol.
Les changements climatiques ont aussi créé une boucle de rétroaction du carbone. Le pergélisol demeure généralement gelé pendant au moins deux•années consécutives, souvent pendant des millénaires. Il contient de vastes quantités de matières organiques qui, une fois dégelées, deviennent accessibles aux microbes. Ils décomposent la matière organique et libèrent dans l’atmosphère des gaz à effet de serre comme le dioxyde de carbone (CO2) et le méthane (CH4). Le méthane est particulièrement préoccupant parce qu’il est environ 25 fois plus efficace pour capter la chaleur dans l’atmosphère que le CO2 en 100 ans. Ces gaz à effet de serre réchauffent davantage le climat, ce qui entraîne davantage de dégel du pergélisol, un exemple classique de chaîne de réaction positive.
Les feux de forêt dans l’Arctique sont devenus plus fréquents et plus intenses en raison de la hausse des températures et des conditions plus sèches. Ces feux libèrent d’importantes quantités de CO2 provenant de la combustion de la végétation et contribuent au dégel du pergélisol en éliminant la couche isolante de végétation et en exposant le sol à des températures plus chaudes. Le pergélisol décongelé libère ensuite plus de gaz à effet de serre, ce qui perpétue le cycle.
Voici d’autres exemples de boucles de rétroaction :
- Rétroaction glace-albédo : À mesure que la glace et la neige fondent, elles révèlent des surfaces plus foncées comme les eaux océaniques ou les terres, qui absorbent davantage le rayonnement solaire, ce qui augmente la température locale et entraîne une plus grande fonte des glaces.
- Rétroaction sur la vapeur d’eau : Les températures plus chaudes augmentent le taux d’évaporation, ce qui augmente l’apport de vapeur d’eau dans l’atmosphère. La vapeur d’eau est un puissant gaz à effet de serre, donc elle amplifie le réchauffement.
- Points de basculement : Ces boucles de rétroaction peuvent pousser le système climatique vers des points de basculement, soit des seuils au-delà desquels des changements importants et souvent irréversibles se produisent. Par exemple, la disparition complète de la glace de mer en été dans l’Arctique et le dégel à grande échelle du pergélisol pourraient entraîner des changements climatiques rapides et incontrôlables.
Le dégel du pergélisol pose des risques pour les écosystèmes, les communautés et la stabilité climatique mondiale. Il est essentiel de comprendre ces boucles de rétroaction pour prévoir les scénarios climatiques futurs et mettre en œuvre des stratégies d’atténuation efficaces. Les ingénieurs de Hatch utilisent des modèles avancés pour prédire la performance des infrastructures dans des conditions changeantes et collaborent avec nos clients pour les aider à mettre en œuvre ces outils et stratégies. Communiquez avec nous pour en apprendre davantage sur les façons dont nous protégeons les infrastructures et préservons la stabilité du cadre bâti dans les régions arctiques.