Évaluation de l’incidence des mécanismes de financement fédéraux sur la chaîne de valeur des véhicules électriques : partie 2

By Mariam Faizal, Jan Maceczek, Yinka Ogunduyi, Siddarth Subramani | 25 mai 2023

En mars dernier, l’Union européenne (UE) a dévoilé sa loi sur les matières critiques (Critical Raw Materials Act ou CRMA) dans le but de garantir un accès aux ressources nécessaires pour les technologies d’exploitation des énergies renouvelables et la fabrication de batteries. La proposition vise à rendre l’UE plus autonome dans l’exploitation minière, le traitement et le recyclage. L’UE riposte ainsi à la loi américaine sur la réduction de l’inflation (Inflation Reduction Act ou IRA) et à sa position protectionniste contre la concurrence chinoise.

À ce titre, l’UE et les États-Unis partagent un objectif commun : revitaliser leur base industrielle et atténuer la dépendance étrangère aux minéraux et matières critiques nécessaires pour accélérer la transition vers l’énergie propre. Même s’ils déploient un ensemble distinct de mécanismes stratégiques, ils ont tous deux présenté une loi historique qui a d’importantes répercussions sur la chaîne de valeur des minéraux critiques. L’harmonisation des exigences – qui nécessitera une communication délicate et coordonnée – a le potentiel de renforcer les relations commerciales transatlantiques, de maximiser l’efficacité des politiques et d’optimiser l’efficacité des possibilités de financement gouvernemental conçues pour accélérer l’économie de l’énergie propre.

Dans le but de renforcer l’accès de l’Europe à des ressources d’importance stratégique, la CRMA encouragerait l’UE à accroître sa production intérieure et à limiter l’approvisionnement en minéraux critiques provenant de pays non membres de l’UE d’ici 2030. La CRMA énonce des objectifs qui consistent à accroître la sécurité de l’approvisionnement en améliorant l’accès à 34 matières premières provenant de pays non membres de l’UE au moyen d’accords de coopération internationale. Au-delà des dispositions relatives à l’approvisionnement en matières premières, la CRMA cherche à promouvoir la durabilité environnementale, à réduire les externalités négatives associées aux activités d’extraction des ressources et à créer des incitatifs pour les communautés les plus touchées par l’exploitation des ressources au moyen d’initiatives de responsabilité sociale.

La CRMA a des similitudes avec les éléments de l’IRA qui portent sur la chaîne de valeur des minéraux critiques et des batteries, en ce sens qu’elle encourage la production intérieure tout en limitant les importations, mais l’approche de mise en œuvre est très différente. Plus particulièrement, la CRMA impose une limite cible de 65 % à l’importation d’un métal stratégique provenant d’un seul pays, tandis que l’IRA exige que les minéraux critiques admissibles au crédit d’impôt pour véhicules électriques proviennent de certains pays ayant conclu des accords de libre-échange ou d’autres accords sur les minéraux critiques.

Plutôt que de déployer des incitatifs financiers pour la production de minéraux critiques et de batteries, la CRMA considérerait les projets de matières premières comme des « projets stratégiques », ce qui leur accorderait un processus de délivrance de permis simplifié et d’autres allégements administratifs. La CRMA ordonne également aux États membres de désigner une autorité pour faciliter et coordonner le processus d’obtention de permis pour les projets stratégiques, sans abaisser les niveaux de protection de l’environnement.

 

Comparaison entre la CRMA de l’UE et l’IRA des États-Unis

Loi américaine sur la réduction de l’inflation

Loi sur les matières critiques de l’UE

Date d’introduction

Septembre 2021 (dans le cadre du plan Build Back Better)

Mars 2023

Date d’adoption

Août 2022

En attente de l’approbation du Conseil

Base de la chaîne de valeur

Matières premières, composants de batteries, fabrication de véhicules et recyclage

Matières premières et recyclage

Matières critiques recensées dans les deux lois

Antimoine, bismuth, cobalt, gallium, germanium, graphite, lithium, magnésium, manganèse, niobium, palladium, platine, scandium, tantale, titane, tungstène, vanadium, indium, béryllium, hafnium, aluminium, fluorine, nickel, tellure, arsenic, baryte, cérium, dysprosium, erbium, europium, gadolinium, holmium, lanthane, lutétium, néodyme, praséodyme, samarium, terbium, thulium, ytterbium, yttrium

Remarque : Selon les listes de minéraux critiques du 17 mai 2023.

Matières critiques qui ne sont pas recensées dans les deux lois

Chrome, zircone, césium, étain, zinc, iridium, rhodium, rubidium, ruthénium

Hélium, silicium, cuivre, bore, charbon à coke, feldspath, graphite naturel, roche phosphatée, phosphore, strontium

Exigences en matière d’approvisionnement

Exigences relatives aux minéraux critiques pour le crédit d’impôt pour véhicules électriques : extraction ou transformation à l’intérieur du pays ou dans un pays avec lequel les États-Unis ont conclu un accord de libre-échange, ou matière provenant de matières recyclées en Amérique du Nord. À compter d’un minimum de 40 % en 2023, avec une augmentation de 10 % par année pour atteindre 80 % après 2027.

Exigence relative aux composants de batterie pour le crédit d’impôt pour véhicules électriques : à compter de 2023, l’assemblage ou la fabrication de composants d’éléments de batterie en Amérique du Nord – y compris les cellules et les modules de batterie – doit dépasser 50 % et 60 % en 2024 et 2025 et atteindre 100 % d’ici 2029.

Cible de localisation : les seuils de capacité de production cible de l’UE d’ici 2030 sont établis en fonction de la consommation annuelle de matières premières stratégiques et critiques provenant des secteurs suivants :

  • Exploitation minière et affinage : 10 %
  • Traitement : 40 %
  • Recyclage : 15 %
  • Sources externes : importation maximale de 65 % d’un métal stratégique d’un seul pays.

    Nations disqualifiées Chine, Iran, Corée du Nord et Russie Aucune disposition applicable (respect des politiques de l’UE).
    Dispositions relatives aux matières recyclables

    Les entreprises de recyclage sont admissibles à un crédit équivalant à 30 % des dépenses en capital.

    L’IRA élargit les programmes de prêts du département de l’Énergie et offre des programmes de subventions par l’entremise du département de la Défense (Defense Production Act).

    Directives sur les exigences relatives à la conception et au traitement de fin de vie des véhicules prévues en juin 2023.

    Propose l’inclusion de codes de déchets pour les batteries au lithium-ion et la masse noire d’ici 2024.

    Mobilisation de 200 millions d’euros pour déployer 10 pôles qui augmenteront la capacité de recyclage dans l’UE.

    Incitatifs à la capacité de traitement

    Les sociétés minières de minéraux admissibles reçoivent un crédit correspondant à 10 % des coûts de production (elles doivent respecter les seuils de pureté).

    L’IRA élargit les programmes de prêts du département de l’Énergie et offre des programmes de subventions par l’entremise du département de la Défense (Defense Production Act).

    Fournit de l’aide pour accéder au financement et assurer la conformité aux obligations administratives et de production de rapports, et aide les promoteurs de projets à faire accepter publiquement les projets de matières premières ayant obtenu le statut de « projet stratégique ».

    Réforme des permis

    Aucune disposition applicable.

    Les États membres doivent désigner une autorité pour faciliter et coordonner le processus d’obtention de permis pour les projets stratégiques, sans abaisser les niveaux de protection de l’environnement. Le délai maximal de traitement ne doit pas dépasser :

    • 12 mois pour les permis de traitement et de recyclage.
    • 24 mois pour les permis d’extraction.

     

    Soulignant le changement de la chaîne d’approvisionnement mondiale, la CRMA reflète les préoccupations exprimées par les dirigeants européens selon lesquelles leurs investissements dans les secteurs de l’énergie et de l’automobile seront entravés par l’incapacité de concurrencer les subventions américaines. Les représentants de l’UE ont fait l’éloge de l’IRA par rapport à la progression de l’économie nord-américaine de l’énergie propre, mais ils avancent aussi que la loi est « discriminatoire » et risque de provoquer une « guerre de subventions » alimentée par les politiques fédérales. La Corée du Sud, le Royaume-Uni et d’autres pays ont soulevé des préoccupations similaires.

    Au cours des derniers mois, cependant, les décideurs politiques ont délibéré sur un accord commercial entre l’UE et les États-Unis portant spécifiquement sur les matières critiques des batteries, en alignant leurs objectifs respectifs de sécuriser l’accès aux chaînes d’approvisionnement des batteries et en rendant les minéraux critiques produits par l’UE admissibles aux subventions américaines. Selon les spéculations, cet accord pourrait suivre le précédent établi par l’accord commercial entre les États-Unis et le Japon signé en mars. Cela dit, il y a encore des incertitudes en ce qui concerne la conformité de ces arrangements avec les pratiques commerciales mondiales.

    Entre les délibérations sur l’adoption de la CRMA et un accord commercial entre l’UE et les États-Unis, l’UE établit la gouvernance fondamentale nécessaire pour atteindre ses objectifs de diversification et de production des matières critiques au cours de la prochaine décennie. En s’attaquant aux enjeux cruciaux de la réalisation des objectifs ambitieux de localisation et de développement économique dans une conjoncture mondiale complexe et sans précédent, l’UE et les États-Unis peuvent ouvrir la voie à une croissance économique transatlantique alimentée par l’économie de l’énergie propre. Pour les intervenants actuels et les nouveaux intervenants de la chaîne de valeur des batteries électriques, ces développements transatlantiques créeront des possibilités d’expansion alimentées par l’harmonisation avec les objectifs gouvernementaux.

    Comment Hatch peut vous aider

    Notre équipe de solutions pour le marché des batteries a travaillé avec des clients de l’ensemble de la chaîne de valeur – des producteurs de matières premières aux fabricants de batteries et de véhicules – pour évaluer, optimiser et mettre en œuvre des initiatives stratégiques et de grands projets d’immobilisations en tenant compte des possibilités et des exigences de financement fédérales. En collaboration avec nos clients, nous faisons le pont entre l’expertise technique et l’excellence des services-conseils en gestion grâce à une approche collaborative qui produit des résultats exploitables.

    MACF – Mécanisme d’ajustement carbone aux frontières

    Analyse du Mécanisme d’ajustement carbone aux frontières de l’Union européenne (csis.org)

    Cliquez ici pour lire la première partie de cette série de billets de blogue.

    Auteurs :

    • Mariam Faizal
      Analyste principale
      Groupe consultatif
    • Jan Maceczek
      Conseiller principal
      Groupe consultatif
    • Yinka Ogunduyi
      Gestionnaire d’engagement
      Groupe consultatif
    • Siddarth Subramani
      Conseiller principal
      Groupe consultatif