Une conception révolutionnaire : la profondeur de pénétration du gel
En termes simples, la profondeur de gel est le point le plus profond où l’humidité du sol gèlera. Elle varie selon l’emplacement et la rigueur de la saison de gel, mais elle doit être calculée correctement pour éviter des problèmes comme le gonflement du sol (déplacement) et la fissuration des fondations.
De nombreuses approches servent à prédire la pénétration du gel, et vous pourrez les trouver dans diverses publications, dont le « Manuel canadien d’ingénierie des fondations », 4e édition. Ces méthodes sont utilisées depuis des années. Deux décennies de travail dans l’industrie des services-conseils en géotechnique m’ont cependant permis de remarquer à maintes reprises des divergences ou des particularités dans la présentation de ces approches, ce qui pourrait entraîner des prévisions erronées de la profondeur de gel et des coûts inutiles. Pour approfondir le sujet, j’ai récemment effectué un examen détaillé de l’une des méthodes les plus utilisées pour prédire la profondeur de gel – l’équation de Berggren modifiée – et de son application dans l’industrie.
L’enjeu
Cet examen m’a poussé à analyser les approches les plus courantes par lesquelles on utilise l’équation de Berggren modifiée, dont la plupart pourraient mener à des estimations inexactes de la profondeur de gel. Il pourrait ensuite en découler une conception trop ambitieuse, qui aura une incidence importante sur les coûts de construction, ou une sous-estimation de conception, qui est évitable et coûteuse.
Une évaluation de 11 sites dans la province canadienne de Terre-Neuve-et-Labrador – des sites nordiques où les températures baissent sous le point de congélation pendant l’hiver – a révélé que la plupart des approches n’étaient pas fiables. Par ailleurs, les approches ne tenaient pas compte des périodes de récurrence (la probabilité qu’un événement naturel d’intensité similaire se reproduise). Il est courant, lors de la conception, d’utiliser des périodes de récurrence pour estimer les probabilités que se reproduisent des inondations et des tremblements de terre. Cependant, elles doivent être bien comprises et utilisées correctement. Par exemple, une crue centennale désigne un événement important peu fréquent, mais cela n’indique pas qu’une inondation n’arrive qu’une fois tous les 100 ans. Il faut plutôt comprendre que peu importe l’année, il y a une chance sur 100 (un pour cent) qu’une inondation de cette ampleur survienne pendant l’année.
L’évaluation des périodes de récurrence à partir de données météorologiques propres au chantier est essentielle pour déterminer la profondeur appropriée de pénétration du gel pour un site. Elle est tout aussi importante pour permettre aux clients de prendre des décisions éclairées en fonction de leur tolérance au risque. Prenons l’exemple d’un client qui souhaite construire une infrastructure ayant une cote d’importance élevée, comme un pont essentiel au déplacement des biens et des services. De toute évidence, les effets du gonflement par le gel pourraient endommager la fondation et, par le fait même, nuire à l’exploitabilité du pont. Le client voudrait donc probablement concevoir une fondation en se basant sur une période de récurrence plus longue (p. ex., une occurrence sur 50 ans ou une sur 100 ans) afin de réduire le risque de perturbation des chaînes d’approvisionnement. Dans ce cas, le coût du calcul de la période de récurrence serait minime (quelques milliers de dollars) comparativement aux économies globales pour le client (des centaines de milliers de dollars en coûts de réparation des fondations ou de migration). La population en général y gagnerait aussi et la structure serait plus résiliente. Ce ne sont pas seulement les clients en infrastructures qui en tireraient profit. L’approche selon la période de récurrence peut aussi s’appliquer à d’autres secteurs, notamment les mines et l’énergie.
Solution novatrice
L’adoption d’une approche différente pour résoudre un problème est souvent accueillie avec scepticisme. Au nombre des contre-arguments courants : « Nous l’avons toujours fait ainsi, pourquoi changer maintenant? » ou « Pourquoi s’inquiéter des périodes de récurrence, alors que jusqu’à présent les répercussions des changements climatiques indiquent que les saisons hivernales (périodes de gel) sont plus courtes et que les grands froids habituels de l’hiver sont moins fréquents? »
En réponse au premier argument, il ne faut jamais négliger un changement positif qui aidera nos clients à mener à bien des projets rentables et efficaces dans de nombreux secteurs. En réponse au deuxième, l’argument du changement climatique est un point discutable. C’est vrai qu’il est prévu que les hivers nordiques se réchauffent, mais mon analyse montre que nous connaîtrons encore des extrêmes, hauts et bas, semblables à ce que nous avons vu par le passé. L’évaluation des données météorologiques historiques pour connaître les périodes de récurrence présente donc de nombreux avantages pour estimer la profondeur de pénétration du gel.
Pour en savoir plus, n’hésitez pas à communiquer avec nous. Notre nouvelle approche peut vous aider à jeter des bases solides, rentables et durables pour votre prochain projet.
Pour en savoir plus, lisez l’article d’Andrew Peach qui a été présenté en septembre à la conférence GéoNiagara 2021 :
« Examen de l’équation de Berggren modifiée pour la prévision de la profondeur de gel dans les sols à gros grains et indices de gel dans l’air à des fins de conception » (Review of the Modified Berggren Equation for the Prediction of Frost Depth in Coarse-Grained Soils and Design Air Freezing Indices) (en anglais seulement)

Andrew Peach
Responsable régional, Géotechnique, Canada atlantique, Solutions terrestres dynamiques
Andrew Peach fournit des services-conseils en ingénierie, en géologie et en environnement dans le domaine de l’hydroélectricité, des infrastructures, du transport, des ports et des terminaux ainsi que des projets miniers au Canada et à l’étranger depuis plus de vingt-deux (22) ans. Il possède une vaste expérience à la tête d’équipes multidisciplinaires et dans des domaines de spécialisation tels que la sécurité des barrages, l’exploitation à ciel ouvert, le contrôle de l’érosion et des sédiments, la stabilité des pentes et les enquêtes du géorisque.