Cinq modes de défaillance susceptibles de provoquer une catastrophe souvent négligés

By Matthew Cramer | Le 20 novembre 2019

D’après mon expérience, les exploitants œuvrant dans les pays développés ont tendance à sous-estimer les risques de catastrophe. En effet, comme ils peuvent compter sur des processus plus avancés et un personnel très compétent, ils croient à tort que les probabilités d’événements catastrophiques dans leurs installations sont beaucoup plus faibles que dans les économies en développement.

Malheureusement, ce n’est pas le cas. Des catastrophes se produisent tout de même dans des installations où des procédures de sécurité très rigoureuses ont été mises en place, comme à la mine de Mount Polley au Canada en 2014, et à Deepwater Horizon aux États-Unis. Des catastrophes très médiatisées continuent de survenir dans certains des pays les plus développés du monde, et de détruire l’environnement et des vies.

Dans un article précédent, j’ai parlé de la façon dont certains biais cognitifs peuvent influencer notre jugement et notre prise de décision en matière de risque de catastrophe, et miner les efforts d’atténuation des risques. Je veux aujourd’hui discuter des raisons pour lesquelles il est essentiel que les exploitants lèvent le voile sur ces biais et prennent des mesures pour bien comprendre la complexité de leurs profils de risque de catastrophe, et présenter certains des secteurs fréquemment où j’ai constaté une compréhension et une gestion déficiente.

Les cinq défaillances les plus courantes des événements catastrophiques

Lorsqu’il s’agit d’un système de protection à plusieurs couches où seulement quelques dispositifs d’interverrouillage ou procédures protègent des catastrophes, il est essentiel de comprendre les principes fondamentaux de leur fonctionnement. Les exploitants ont besoin d’une expertise technique approfondie pour reconnaître les particularités des risques de catastrophe. Nous devons analyser les secteurs de risque auparavant cloisonnés afin de découvrir les voies à risque pouvant mener à un événement catastrophique, et de mettre en place des procédures et des outils pour prévenir ces circonstances.

Grâce à mes nombreuses années d’expérience technique, j’ai identifié cinq secteurs de risque évident mal compris et mal géré malgré de nombreuses couches de protection, des approches d’ingénierie établies et d’innombrables documents de formation. Aussi communs que les cinq procédés de traitement à haute température à l’échelle industrielle, ces cinq processus-clés sont connus de tous. J’ai vu une grande variété d’approches, parfois au sein d’une même organisation, mais j’ai rarement vu des mesures essentielles basées sur la science sous-jacente comme elles le devraient; elles sont plutôt souvent basées sur nos propres expériences.

1. Accès aux espaces clos

Tous les exploitants ont des problèmes d’espace clos. Ce qui diffère, c’est l’importance qu’ils accordent à la nature dynamique des espaces clos. La plupart se contentent d’identifier les espaces clos et de restreindre l’accès à ces espaces à l’aide d’un système de permis. Toutefois, très peu ont adopté une approche stratifiée pour comprendre comment l’atmosphère peut changer pendant le travail. Le soudage peut modifier l’atmosphère, par exemple si un outil tombe dans une solution à faible teneur en arsenic (même à une concentration de 1 ppm) cela crée de l’arsine, un gaz très toxique, sans parler des risques relatifs aux procédés en amont et en aval inadéquatement isolés. Comprendre votre capacité à contrôler l’atmosphère dans un espace clos en tout temps exige une approche adéquate en matière de risque pour chaque emplacement et chaque tâche. 

2. Matières en fusion

Le contact de l’eau avec des matières en fusion est le facteur de risque le plus litigieux en raison de son potentiel explosif. Un événement indésirable est toujours possible, peu importe la maturité de la conception de votre système, de la détection des fuites et de votre approche. Nous passons bien souvent trop de temps sur les facteurs qui ont causé un événement et nous nous disputons pour établir quelle quantité d’eau est excessive Je crois que toute eau non contrôlée est de trop. L’intervention sécuritaire après la détection d’une infiltration d’eau est un aspect souvent négligé. J’ai déjà vu une situation où une éruption a causé des dommages importants plusieurs heures après la mise hors tension du four. Nous devons nous poser la question suivante : comment savons-nous qu’il est sécuritaire de réintégrer une installation pyrométallurgique qui a des problèmes d’infiltration d’eau? Que faisons-nous pour éliminer le risque? Dans quelle mesure êtes-vous sûr que les systèmes et les processus en place garantiront la sécurité de vos employés?

3. Incendie dans une atmosphère enrichie d’oxygène

La suroxygénation est un problème fréquent dans les usines modernes et bon nombre d’entre elles produisent de l’oxygène sur place grâce à des installations de séparation d’air. Une atmosphère hautement enrichie en oxygène constitue un danger d’incendie et il est important de savoir ce qui est combustible. Je vois souvent des exploitants qui ignorent que les différents équipements de manutention de l’oxygène doivent être utilisés à une pression atmosphérique normale, qu’il s’agisse de matériaux de construction ou d’exigences d’entretien et de nettoyage appropriées. La vitesse de propagation et la température des incendies dans une atmosphère enrichie d’oxygène exigent des approches spéciales de conception et de construction en raison de l’érosion qui survient avec le temps dans les installations où la tuyauterie est remplacée et où les approches en matière de contrôle évoluent. De plus, les responsables des installations doivent collaborer avec les intervenants d’urgence de la région pour s’assurer que les systèmes peuvent être isolés et qu’un plan d’intervention est en place. L’utilisation de matériaux non exemptés sur des conduites ou des vannes pour l’oxygène est une erreur fondamentale. 

4. Atmosphères explosives

Différentes sources de carburant sont utilisées dans les installations industrielles comme le gaz naturel, le propane et le mazout pour remplacer des sources d’énergie plus coûteuses. Les connaissances des exploitants sont très limitées relativement aux brûleurs et aux systèmes de brûleurs. Le manque de compréhension des éléments essentiels du système, c’est-à-dire savoir comment fonctionne un brûleur et comment éviter la création d’une atmosphère explosive, est une erreur courante. Un bon exemple est un client qui produit de grandes quantités de monoxyde de carbone et qui doit parfois purger le système. Pour réduire les coûts, il choisit de purger le système en passant d’une atmosphère de réduction dans le réacteur à une atmosphère oxydative en ouvrant une trappe de décharge afin de purger le système avec du CO2. Il ne s’agit pas d’une mauvaise approche, mais un élément fondamental n’a pas été pris en compte. Pendant une purge, le taux de monoxyde de carbone dans l’atmosphère passe de 90 % à moins de 1 %. Avec l’oxygène disponible, des températures extrêmement élevées et des flammes nues, le mélange passe assurément éventuellement dans la zone d’explosivité du monoxyde carbone. Alors que la sécurité est la priorité, aucun mécanisme de contrôle n’existait pour éliminer les risques d’explosion; c’est tout simplement inacceptable. 

5. Émissions de SO2

Bon nombre de fonderies de cuivre et de nickel à l’échelle mondial ont fait d’énormes progrès afin d’éliminer le SO2 des flux gazeux. Cela nécessite la création d’usines d’acide et la concentration des flux gazeux. Le déplacement d’une telle quantité de gaz dans de nombreux réacteurs exige de la pression et de l’énergie. Ainsi, la plupart des fonderies ont des systèmes contenant des flux de SO2 supérieurs à 12 % et à 25 000 Nm/h. Donc, en plus des défis liés à la corrosion dans les usines d’acide, les exploitants doivent connaître les conséquences de l’explosion d’un bâtiment et de l’émission de SO2. De nombreux exploitants ignorent les conséquences. Une étude des conséquences est essentielle pour établir les procédures d’arrêt, élaborer un plan d’évacuation et émettre des avis à la communauté. Cela est important non seulement pour l’entreprise, mais aussi pour les communautés environnantes. Comment avertissons-nous les installations à proximité lorsqu’un événement se produit et que devons-nous faire pour assurer leur sécurité?

Combler les lacunes dans les couches de protection

Il est important de bien comprendre ces points faibles, mais que pouvons-nous faire en tant qu’industrie pour nous améliorer? À ma connaissance, les organisations de premier plan à l’échelle mondiale mettent l’accent sur quelques éléments clés :

  1. reconnaître que la résolution de ces défis exige une connaissance technique approfondie des processus sous-jacents. Pour comprendre la vitesse à laquelle se déplace un nuage de SO2, vous devez posséder les compétences et l’expérience nécessaires, et connaître la modélisation de la dynamique numérique des fluides il est impossible d’élaborer un plan d’évacuation si vous ne savez pas avec certitude la direction que prendra le nuage.
  2. Établir un programme clair en collaboration avec des cadres supérieurs pour cerner ces risques.
  3. Soyez honnête, il est peu probable que votre entreprise possède toutes les compétences nécessaires pour évaluer tous les détails techniques. C’est tout à fait normal. Engagez un consultant technique de confiance qui peut vous aider.
  4. Soyez ouvert à travailler avec des experts et à apporter des changements concrets au fonctionnement de votre établissement et de votre personnel.